progetto : ufficio da abitare – Concept

2013 - SCENOGRAPHIE

C’est la notion de plaisir de vivre que je voudrais transmettre dans l «ufficio d’abitare » : travailler c’est aussi vivre, et l’on passe souvent plus de temps au bureau que chez soi ; le lieu du travail n’est pas une fatalité, on peut travailler dans des lieux agréables, s’y sentir aussi bien que chez soi.
A partir du moment où l’on s’affranchit de tous les systèmes clonés et aliénants, il n’y a plus une solution. Ce qui m’a toujours frappé dans le monde du bureau c’est la répétition et l’anonymat : des immeubles de bureaux fabriqués en série par copier-coller ont recouvert le monde sur tous ses continents. Leurs enveloppes vitrées et répétitives abritent les mêmes espaces, les mêmes meubles, les mêmes ordinateurs, les mêmes éclairages blafards sous leurs plafonds techniques . Un dispositif architectural totalitaire et vide de sens, résultante d’une production industrielle et technique déconnectée de toute histoire urbaine, associé à la mondialisation effrénée aboutit à l’annihilation massive de toutes les cultures et de toutes les différences. Il enferme tous les hommes et femmes au travail du monde dans un système sériel et normé. On considèrera d’ici peu que les conditions de travail caricaturales que ces bureaux proposent sont invivables, analogiques à celles que dénonçait Charlie Chaplin dans les Temps Modernes. Bref, je suis toujours opposé à tous les phénomènes de clonage et de parachutage.
Il est urgent de changer les attitudes de concevoir et penser le travail autrement : un bureau, où qu’il soit, doit être un espace à soi, c’est-à-dire identifiable, appropriable, transformable, chargé d’humanité, empreint de strates d’histoires et d’objets, un lieu simplement agréable. Travailler c’est vivre, travailler c’est habiter.
J’ai imaginé cette exposition comme un petit quartier, une petite ville : « l’ufficio d’abitare » comme proposition de quelques scénarios de travail différents et singuliers. Ce n’est ni une utopie, ni un show-room, ni une exposition de pièces d’exception : les bureaux qui y sont installés se trouvent dans des situations ordinaires, souvent existantes, et mettent en scène du mobilier de bureau, en majorité produits par les industriels exposants du salon et mis en situation : mêlés autant aux icones de notre histoire du design qu’à des meubles de récupération. J’ai toujours pensé que le mobilier de bureau était parfaitement adapté aux appartements, et inversement d’ailleurs que le mobilier domestique avait aussi sa place au bureau. Dans ce petit quartier, j’espère donc convaincre qu’un espace de bureau doit, par sa singularité, être capable de proposer du plaisir de vivre et l’inspiration au travail.
Cette exposition qui parle de perspectives et de désirs, illustre pour les visiteurs et les industriels du salone del ufficio- d’autres voies à explorer.

Jean Nouvel